Loi n° 2000-73 du 25 juillet 2000, relative à l’enseignement supérieur privé (1).
Au nom du peuple,
La chambre des députés ayant adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article Premier. – Sont considérés, au sens de la présente loi, comme des établissements privés d’enseignement supérieur, les établissements ou groupes d’établissements privés assurant des formations postsecondaires.
Les locaux et services dépendant de l’établissement privé d’enseignement supérieur et affectés, notamment, à la restauration ou à l’hébergement, sont considérés comme faisant partie dudit établissement et sont, en conséquence, soumis aux dispositions de la présente loi.
Art. 2. – Les établissements privés d’enseignement supérieur sont créés et administrés conformément aux dispositions de la présente loi et dans le cadre des missions assignées à l’enseignement par l’article premier de la loi n° 91-65 du 29 juillet 1991, relative au système éducatif ainsi que par l’article premier de la loi n° 89-70 du 28 juillet 1989 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique.
Art. 3. – Les établissements privés d’enseignement supérieur sont soumis aux dispositions de la présente loi et aux dispositions des règlements pris pour son application et aux dispositions d’un cahier des charges approuvé par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Chapitre premier
De la création, de la transformation et de la fermeture des établissements privés d’enseignement supérieur
Art. 4. – Les établissements privés d’enseignement supérieur sont créés dans le cadre de sociétés anonymes. Toute création est soumise à une autorisation délivré par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ou, le cas échéant, une autorisation conjointe du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre concerné, et ce, selon des conditions et des modalités qui sont définies par décret. Pour chaque établissement sont précisées les spécialités autorisées. Le capital de l’établissement, ne peut être inférieur à cent cinquante mille dinars.
Ledit décret précise les conditions minimales, se rapportant notamment aux locaux ainsi qu’aux équipements scientifiques et pédagogiques, que doivent remplir les établissements privés sollicitant l’autorisation prévue au présent article.
(1) Travaux préparatoires :
Discussion et adoption par la chambre des députés dans sa séance du 4 juillet 2000.
L’autorisation est accordée, compte tenu des objectifs de l’Etat dans le domaine de l’enseignement supérieur ainsi que des besoins du pays, tels que définis par les plans de développement économique et social et après que l’établissement promoteur se soit engagé, par écrit, à respecter les dispositions du cahier des charges prévu à l’article 3 de la présente loi.
Les établissements privés d’enseignement supérieur doivent dispenser un enseignement dont le niveau ne peut être inférieur à celui des enseignements dispensés dans les établissements d’enseignement supérieur public.
Les décisions d’autorisation ou de retrait sont prises après avis d’une commission dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret, sur proposition du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Art. 5. – Les détenteurs d’actions de la société promotrice, doivent être de nationalité tunisienne s’ils sont des personnes physiques. Toutefois, s’il existe parmi les détenteurs d’actions des personnes morales, le capital de celles-ci doit être détenu à hauteur de 51% au moins par des personnes physiques de nationalité tunisienne.
Le directeur de l’établissement d’enseignement doit être de nationalité tunisienne et titulaire, au moins, d’un diplôme équivalent à celui exigé pour l’accès au grade de maître assistant de l’enseignement supérieur public et doit se consacrer à la direction de l’établissement.
Le directeur doit, par ailleurs, jouir de ses droits civiques et politiques.
Art. 6. – Avant toute transformation portant sur l’établissement lui-même ou sur l’un de ses éléments fondamentaux prévus à l’alinéa 2 de l’article 4 de la présente loi, une autorisation à cet effet devra être demandée au ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Art. 7. – Il ne peut être procédé à la fermeture d’un établissement privé d’enseignement supérieur avant la fin de l’année universitaire. En cas de fermeture, il est tenu compte de l’intérêt des étudiants inscrits à achever leurs études.
Dans les cas de force majeure rendant impossible la poursuite de la gestion de l’établissement ou de fermeture délibérée en cours d’année universitaire ou de retrait de l’autorisation, tel que, prévu au paragraphe premier de l’article 23 de la présente loi, le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut, si l’intérêt des étudiants l’exige, demander au juge des référés territorialement compétent de nommer un gérant parmi le corps des enseignants chercheurs relevant des universités pour diriger cet établissement.
Durant la période de gestion visée à l’alinéa précédent, les biens appartenant à l’établissement et indispensables au fonctionnement des enseignements ne peuvent faire l’objet d’une saisie.
Art. 8. – Avant le début de chaque année universitaire, le ministère de l’enseignement supérieur rend publique la liste des établissements privés d’enseignement supérieur autorisés conformément aux dispositions de la présente loi et celle des filières de formation assurées par lesdits établissements.
Chapitre II
Des obligations des établissements privés d’enseignement supérieur
Art. 9. – La dénomination de tout établissement privé d’enseignement supérieur doit comporter l’expression “privé” en caractères identiques à ceux utilisés pour le nom proprement dit. Tous les documents émanant de l’établissement doivent également comporter le numéro et la date de l’autorisation accordée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur. Ces établissements ne peuvent porter les mêmes dénominations que celles données aux établissements publics d’enseignement supérieur. Ladite dénomination ne doit pas, en outre, comporter des qualificatifs de nature religieuse, ethnique, raciale ou politique.
Les publicités concernant les établissements privés d’enseignement supérieur ne doivent pas comporter des renseignements de nature à induire en erreur les étudiants ou leurs parents, notamment sur la nature des études, leur durée et les débouchés éventuels.
Il est interdit à tout établissement n’ayant pas obtenu l’autorisation prévue à l’article 4 de la présente loi d’utiliser des termes de nature à faire croire que ledit établissement assure un enseignement supérieur.
Art. 10. – Chaque établissement privé d’enseignement supérieur doit disposer d’un règlement intérieur approuvé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur. Ledit règlement doit prévoir un conseil scientifique et un conseil de discipline au sein de l’établissement.
Art. 11. – L’acceptation par les établissements privés d’enseignement supérieur de dons et legs provenant de personnes physiques ou morales étrangères est interdite.
Les dons et legs provenant de personnes physiques ou morales tunisiennes sont soumis à une autorisation préalable du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Art. 12. – Les établissements privés d’enseignement supérieur sont soumis aux obligations en vigueur se rapportant à l’hygiène, à la santé et à la sécurité.
Ils doivent faire assurer tous leurs étudiants contre les accidents éventuels à l’intérieur de ces établissements.
Art. 13. – Les établissements privés d’enseignement supérieur doivent justifier auprès du ministère de l’enseignement supérieur et au début de chaque année universitaire, de la souscription d’un caution bancaire à première demande permettant de faire face aux dépenses occasionnées dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article 7 de la présente loi et dont le montant est déterminé conformément aux critères définis par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Chaque établissement privé d’enseignement supérieur doit communiquer au ministère de l’enseignement supérieur, et avant le 30 novembre de chaque année, la liste des enseignants permanents et non permanents ainsi que la liste des étudiants inscrits, classés selon les différentes années d’études et les différentes spécialités. De même une liste des tarifs d’inscriptions et des frais de scolarité doit être communiquée au ministère de l’enseignement supérieur un mois au moins avant le début des inscriptions.
Chapitre III
Du personnel enseignant des établissements privés d’enseignement supérieur
Art. 14. – Les établissements privés d’enseignement supérieur doivent recruter une partie de leur personnel enseignant à plein temps.
Pour chaque grand ensemble de discipline un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur fixe la proportion minimale d’enseignants permanents exigées et le niveau scientifique minimum requis.
Art. 15. – Ne peuvent exercer dans les établissements privés d’enseignements supérieur que les personnes jouissant de leurs droits civiques et politiques.
Art. 16. – Les établissements privés d’enseignement supérieur peuvent se faire assister de formateurs ou d’enseignants exerçant dans des établissements d’enseignement public, après autorisation accordée, à titre personnel, par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ou, le cas échéant, par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et le ministre concerné.
Ils peuvent également conclure des accords de partenariat pédagogique et scientifique avec des universités tunisiennes et étrangères après accord du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Le recours à des enseignants de nationalité étrangère est soumis, outre ce qui est prévu en l’objet par les textes juridiques en vigueur, à une autorisation préalable du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Chapitre IV
Des étudiants des établissements privés d’enseignement supérieur
Art. 17. – Sont admis à s’inscrire dans les établissements privés d’enseignement supérieur les titulaires du diplôme du baccalauréat tunisien ou d’un diplôme admis en équivalence.
Art. 18. – Les étudiants titulaires d’un diplôme délivré par un établissement privé d’enseignement supérieur peuvent demander leur inscription dans un établissement public d’enseignement supérieur pour suivre des études de troisième cycle, conformément aux conditions prévues par la réglementation en vigueur. Dans ce cas, il est exigé d’obtenir l’équivalence du diplôme pris en considération lors de l’inscription conformément aux dispositions de l’article 21 de la présente loi.
Art. 19. – Les étudiants des établissements privés d’enseignement supérieur peuvent participer aux concours nationaux d’entrée aux établissements publics d’enseignement supérieur conformément aux conditions prévues par la réglementation en vigueur.
Art. 20. – Chaque établissement privé d’enseignement supérieur doit fournir aux étudiants, lors de la première inscription un tableau des tarifs d’inscription et des frais de scolarité se rapportant aux différents niveaux de formation conduisant au diplôme préparé. Durant toute la scolarité d’un même étudiant, l’établissement privé ne peut augmenter de plus de 5% annuellement les tarifs d’inscription et les frais de scolarités auxquels est soumis ledit étudiant.
Cette obligation de limiter l’augmentation au taux précité, ne s’applique pas lors de la première inscription à l’établissement privé.
Art. 21. – La reconnaissance de l’équivalence des diplômes délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur est soumise à des critères et modalités fixés par décret sur proposition du ministre de l’enseignement supérieur.
Chapitre V
Du contrôle administratif
Art. 22. – Les établissements privés d’enseignement supérieur sont soumis au contrôle administratif du ministère de l’enseignement supérieur et des ministères compétents.
Ce contrôle vise, notamment, à assurer du respect des dispositions de la présente loi, des règlements pris pour son application et des dispositions du cahier des charges prévu à l’article 3 de la présente loi.
Art. 23. – En cas d’infraction à l’une des dispositions de la présente loi ou des règlements pris pour son application, ou des dispositions du cahier des charges prévu à l’article 3 de la présente loi, le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut décider le retrait de l’autorisation prévue à l’article 4 de la présente loi après audience du contrevenant.
Le ministère de l’enseignement supérieur peut, également, dans les cas prévues au paragraphe premier du présent article, prendre les mesures nécessaires, y compris l’utilisation de la caution bancaire prévue par l’article 13 de la présente loi, en vue d’assurer la poursuite de la formation, compte tenu de l’intérêt des étudiants et de la sauvegarde du niveau scientifique.
Chapitre VI
Des sanctions
Art. 24. – Outre l’arrêté de fermeture de l’établissement et la réparation des dommages causés aux victimes, est punis de six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars à dix mille dinars, toute personne qui créé, dirige ou modifie un établissement sans autorisation préalable du ministère de l’enseignement supérieur.
Est puni d’une amende de mille dinars à dix mille dinars, toute personne qui procède à la fermeture d’un établissement avant la fin de l’année universitaire, à l’exception du cas de force majeure prévu au deuxième alinéa de l’article 7 de la présente loi.
En cas de récidive, l’amende est de deux mille dinars à vingt mille dinars.
Encourt les peines prévues à l’article 294 du code pénal toute personne qui viole les dispositions du deuxième alinéa de l’article 9 de la présente loi.
Chapitre VII
Dispositions transitoires
Art. 25. – Les établissements privés exerçant à la date de publication de la présente loi une activité visant à dispenser un enseignement supérieur doivent régulariser leur situation, et ce, conformément aux dispositions de celle-ci dans un délai n’excédant pas le 1er juillet 2001.
A défaut de cette régularisation dans le délai cité à l’alinéa précédent, lesdits établissements ne pourront plus procéder à l’inscription de nouveaux étudiants.
Toute inscription de nouveaux étudiants sera assimilée à une création d’établissement privé sans autorisation. Le contrevenant s’expose, dans ce cas, aux sanctions prévues par le chapitre 6 de la présente loi.
Art. 26. – Les étudiants qui, à la date de publication de la présente loi, sont inscrits dans des établissements privés d’enseignement supérieur et ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 17 de la présente loi peuvent achever leurs études.
Ne peuvent prétendre à la reconnaissance de l’équivalence de leurs diplômes prévue à l’article 21 de la présente loi que les étudiants ayant poursuivi toutes leurs études conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements pris pour son application.
La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécuter comme loi de l’Etat.
Tunis, le 25 juillet 2000.
Zine El Abidine Ben Ali